Une dataviz vaut parfois mieux qui mille mots

A priori, ce « graphique » à de quoi rendre perplexe. Pas de titre, pas de légende…où sont décrits les axes des abscisses et des ordonnées ? Seules des rayures de couleurs alignées.
Sans élément de contexte, il est très difficile de quoi il retourne, même si le choix des couleurs peut assez vite nous mettre sur la piste.

Malgré le non-respect de toutes les règles fondamentales de la conception d’objets statistiques, cette dataviz demeure extrêmement bien pensée pour l’usage qui lui a été destiné. A savoir, diffuser un message simple : ça chauffe sur la planète, de plus en vite et de plus en plus fort.

Imaginé en 2021 par le climatologue Ed Hawkins, ce graphique représente l’écart entre la température annuelle moyenne et la température moyenne observée sur la période 1850-2021. En d’autres termes, il décrit le phénomène de réchauffement climatique.

Le choix du minimalisme

Mais pourquoi proposer un graphique sans chiffre, sans titre, sans rien d’autre que des couleurs ? Le choix du minimalisme présente plusieurs avantages :

• L’absence de contenu textuel rend la dataviz à la fois énigmatique et agréable au regard. Elle capte l’attention.
• Elle est universelle : sans texte, pas de barrière de langue ; sans chiffres, nul besoin de compétences scientifiques et statistiques pour en interpréter les résultats. L’emploi des couleurs bleu et rouge, respectivement pour les températures les plus froides et les plus chaudes, permet très vite de comprendre la teneur du message sans littérature complémentaire.
• La plus grande force de cette dataviz (qui découle des atouts précités) relève de sa capacité à être déclinée et réutilisée, favorisant ainsi sa diffusion, et in fine celle du message qu’elle porte (ça chauffe sur la planète). Son auteur a d’ailleurs accompagné son image d’un hashtag, #ShowYourStripes, appelant chacun d’entre nous à la partager sur les réseaux sociaux. Certains (dont moi) ont par exemple utilisé l’image comme photo d’arrière-plan sur Linkedin.

D’autres sont allés plus loin en créant un nouveau contenu à partir de la dataviz. C’est le cas d’une marque de vêtement d’escalade qui a publié une image publicitaire de ses pantalons qui vont du bleu au rouge, telles les bandes de Hawkins. Au détail près que le dégradé de couleurs a été inversé…vers un refroidissement climatique ? On peut également retrouver sur la toile des produits dérivés du graphique, tels que les classiques mugs et teeshirts. De quoi lancer le débat autour d’un café !

La dataviz, outil de communication puissant

Cet exemple nous rappelle qu’une visualisation de données n’est pas forcément un outil d’aide à la décision, décrivant de manière précise un phénomène. C’est également un levier de communication, synthétique, universel, souvent plus impactant que des textes. Le travail d’Ed Hawkins est devenu viral et a relancé le débat sur le réchauffement climatique.

Evidemment, cette dataviz ne se substitue pas aux rapports scientifiques, aux mesures et aux représentations plus rigoureuses de la situation, qui sont nécessaires pour mettre en place des mesures efficaces pour lutter contre celui-ci. Ed Hawkins, étant lui-même scientifique, ne le sait que trop bien. Mais il a compris que la lutte contre le réchauffement climatique est un enjeu systémique qui passe par la sensibilisation du grand public, et que ce dernier sera, dans sa majorité, plus sensible à sa dataviz qu’à un rapport du GIEC.

Pour aller plus loin

• Retrouvez l’œuvre de Ed Hawkins, ses détails méthodologiques et ses déclinaisons pays par pays sur le site web showyourstripes.info.
• Les données utilisées pour construire cette dataviz ont été publiées par le Met Office, le service national britannique de météorologie. Vous pouvez les retrouver sur cette page.